PRIMS Full-text transcription (HTML)

LETTRE A MONSIEUR HENRY ARNAUD F. M. D. S. E.

Et Paſteur Vaudois, étant à preſent à Londres, avec ſa Réponſe à l'Autheur de ladite Lettre.

A LONDRES, Par Jean Brudenell en Jewinſtreet, pour F. Vaillant, Marchand Libraire, demeurant dans le Strand, Vis-à-vis l'Egliſe Françoiſe de la Savoye. 1699.

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LETTRE A MONSIEUR HENRY ARNAƲD.

MONSIEUR,

LES marques que vous m'avés données de vôtre bonté, ont faite une impreſſion ſi vive & ſi profonde dans mon coeur, que je me croy oblige de vous en temoigner ma reconnoiſ­ſance. Des le premier moment que j'eus le bonheur de vous voir, vous m'ouvrites vôtre coeur, & me ſites la grace de me rece­voir an nombre de vos amis; de puis ce temps la, les imperfections que vous avés remarquer en moy, n'ont pas été capables de vous rebuter, ni de vous refroirdir. Car toutes les fois que j'ay eu la douce ſatisfaction de m'entretenir avec vous, j'ay connu que vous aviés toûjours pour moy la même tendreſſe & la même cordialité, & une affection veritablement paternele & Chrétienne; Mais je puis vous aſſurer en même temps, que la connoiſſance que j'ay eu de vôtre Charité, de vôtre zele pour la gloire de Dieu, accompagné d'une prudence Evangelique, d'une patience invin­cible, & d'une humilité profonde, a rempli mon ame d'une eſtime toute particuliere pour vôtre perſonne. J'admire avec tous ceux qui ont le bien de vous connoître, & les évenemens4 de vòtre vie, ce que Dieu a fait en vous & par vous; & je le beni de tout mon coeur, avec toutes les bonnes ames, de ce qu'il luy a plû de ſe ſervir de vous, comme d'un glorieux & fidele in­ſtrument, pour la conſolation, & pour le ſoutien des Egliſes de­ſolées du Piemont, que nous devons regarder comme les Soeurs ainées de toutes les Eſgliſes Reformées.

Permettés moy, Monſieur, de vous dire que ce que vous mavés ra­conté touchant les merveilles que Dieu a faites par ſa puiſſance & par ſon infinie miſericorde, pour la delivrance de ces pauvres Eſgliſes, au milieu des crüelles Perſecutions elles ont été en­gagees, ſur tout de puis le regne de l'Antechriſt, & dont l'évenement en nos jour à fait naitre en moy un trés-grand deſir de voir l'Hiſtoire de leur Antiquité, de leur perſeverance, & de leur preſervation miraculeuſe, ecrite de vótre main.

Et ne penſes pas, je vous prie, que je ſois le ſeul qui le ſou­haitte. Il y a un trés-grand nombre d'ames pieuſes & devotes qui le deſirent avec moy, & qui croyent qu'un detail de tant d'évene­mens merveilleux qui ont paru dans la longue profeſſion de la verité, parmi nos pauvres freres Vaudois, ſeroit trés-utile dans cette conjouncture de temps. On vous regarde comme un autre Paul que Dieu nous a envoyé dans ces Iſles heureuſes, pour nous fortifier & pour nous conſoler; & ainſi une Relation ſimple, de ­tre part, de l'attachement inviolable que ces Cheres Eſgliſes ont toûjours eu pour la pureté & pour la ſimplicite de l'Evangile, & de la fidelité avec laquelle elles ont conſervé les Verites qu'il nous revele ſans aucun mêlange d'erreur & de ſuperſtition, avec les moyens admirables dont Dieu s'eſt ſervi pour empêcher leur ruine, ſera ſans diſpute, une ſource abondante de Conſolation & de joye pour tous ceux qui aiment le Seigneur Jeſus; & en effet, n'eſt-ce pas une choſe bien Conſolante, de pouvoir penſer que ces genereux Piedmontois, plantés de la main des Apôtres, ou des Diſciples immediats des Apôtres, ont conſervé le Culte & la ſim­plicité de la Diſcipline Apoſtolique depuis tant de Siecles, ſans que, ni l'Apoſtaſie generale des autres Eſgliſes dO'ccident, ni les ſouffran­ces les plus crüelles, ni aucune des autres ruſe du Demon, ait été jamais capables d'en alterer la pureté? Car ſi la Perſecution en a emporté un ſi grand nombre depuis 33 Guerres que vous avez eu5 pour la querelle & cauſe de nôtre Seigneur Jeſus Chriſt. Ceux qui ſont demeurés de reſte, n'ont rien perdu de la pureté de l'Evangile, & ont toujours fait paroître un courage in­vincible pour la maintenir. Et ainſi, qui peut douter que l'exem­ples de tant de Confeſſeurs du Nom de Jeſus Chriſt, & de tant de genereux & d'Illuſtres Martirs, ne ſoit, avec la benediction de de Dieu, un moyen trés-efficace & trés-puiſſant pour porter les Re­formés à avoir plus d'amour & plus de reſpect pour la Sainte Re­ligion qu'ils Profeſſent, & pour les Verités ſalutaires pour leſ­quelles tant d'excellens Serviteurs de Dieu n'ont pas fait difficulté de s'expoſer à perdre leur biens & leur vie, & tout ce qu'ils avoient de plus cher au Monde.

Mon deſſein, au reſte, n'eſt pas, Monſieur, de vous enga­ger à écrire une Hiſtoire ornée des beautés & des recherches de l'éloquence, pour plaire aux hommes. Mon but encore n'eſt pas de vous porter à mêler dans ce recit Hiſtorique, des reflexions de ſçavoir, ni des ſingularités qui vous regardent en particulier, comme ſeroit vôtre naiſſance & vôtre éducation, ou vôtre état temporel, ſi ce n'eſt en tant que cella pourroit ſervir à vôtre Hiſtoire, & à faire voir les ſecrets & les merveilles de la Providence & de la miſericorde de Dieu, envers vous. Ce que je vous demande principalement, c'eſt que vous nous appreniez ce qui peut ſervir à faire voir l'état des Eſgliſes du Piedmont depuis leur fon­dation, autant que les Memoires que vous en avés, ſe pourront éten­dre; ce qui ne peut que rendre leur Nom immortel & venerable parmi le peuple de Dieu, & en nos jours, & dans les Siecles à venir.

Pour c'eſt effet, je ſouhaitterois bien, ſi vous le trouviée à propos, que vous euſſiés la honté de nous parler de l'Antiquité de leur Origine. 2. De leur créance dans tous les points de la Religion Chrêtienne; & ſur tout des Articles qu'il les diſtinguent de la Papauté. 3. De leur Culte & de leurs Liturgies, qui juſtiffieroit la maniere en laquelle les deux auguſtes Sacremens de la Nouvelle Alliance ont été adminiſtres. 4. De l'Ordination de leurs Paſteurs, & de tout l'ordre de leur Diſcipline. Et je voudrois vous prier, enfin, de marquer les ſoufrances de ces Cheres Eſgliſes, les hor­ribles boucheries de ſes pauvres membres, par la crüauté des Sa­pertiſtieux, & par l'Inſpiration de Rome Idolatre, & la conſtance, le6 courage & la ſainte joye avec laquelle ces genereux & fideles Con­feſſeurs & Martirs ont ſouffert pour la cauſe du Seigneur.

Je vous promets, que ſi vous m'accordés la faveur que je vous demande, je ne mettray pas vôtre Réponce ſous le boiſſeau, & ne permettray pas que vôtre recit ſoit inconnu, ou demeure caché. Et pour vous engager à me donner la ſatisfaction que je vous de­mande, je veux bien vous dire que ſi vous le ſouhaittés, je vous feray voir un abregé de l'etat des Eſgliſes de ce Royaume, & un autre encore, de l'état des reſtes débris de nos Eſgliſes deſo­lées de France, qui ſe trouvent dans ce Pais icy.

Et pour vous exciter à entreprendre cét ouvrage, je veux bien vous faire part dans cette Lettre, de quelques reflexions que j'ay faites ſuivant ma Porte, ſur la Converſion de Corneille, par le Miniſtere de l'Apôtre S. Pierre, qui luy ft expreſſement envoyé par l'ordre de Dieu & par une voye miraculeuſe, pour l'inſtruire dans les Dogmes de la Religion Chrêtienne, comme il nous eſt raporte au Chapitre X. du Livre des Actes des Sts. Apôtres. Cette excel­lente Hiſtoire que j'ay ſouvent leüe & admirée à la grande gloire de Dieu, qui appelle ceux qui bon luy ſemble, & par les moyens qu'il juge les plus convenables, m'a mis dans la penſee les devoirs des Paſteurs envers les ames comiſes à leurs ſoins, & le devoir des hommes, appelleés par la grace & par la parole de Dieu, & par l'organe de ſes Miniſtres.

Corneille, comme l'Hiſtoire des Actes des Apôtres écrite par S. Luc me l'apprend, étoit un Centenier, étranger de l'Alliance, ne parmi les Gentils. Il commandoit une Compaigne de cent Soldats dans la ville de Ceſarée, ſous l'Authorité des Empereurs Romains. Cét homme bien heureux, quoy que & élevé parmi les Payens, connut le vray Dieu & la vanité & la fauſſeté de la Religion Payenne, par le commerce apparemment, qu'il eut avec les Juifs, ou par quelque occaſion particuliere, dont l'Ecriture ne fait pas men­tion. Cependant il ne ſe rangoit pas à la profeſſion ouverte & publique de la Religion des Juifs, & n'avoit pas recú le Sacrement de la Circonciſion, peut être par des égards humains, pour n'attirer pas l'indignation des Romains, & pour ne pas perdre ſa charge. Cependant il paroit qu'il adoroit le vray Dieu, & qu'il ſe con­ſormoit à ſa volonté, comme on le peut receüiller de la deſcription7 que S. Luc fait de ſa perſonne & de ſes diſpoſitions. Car il le depeint comme un homme juſte, devot, craignant Dieu, plein d'aúmones & de bonnes oeuvres.

Cét homme excellent, etant en Jeúne & en Oraiſon devant Dieu, en un certain temps, fut regardé favorablement de ce pere Eternel, qu'il invoquoit. Il luy envoya un Ange de lumiere pour luy dire, Que ſes Oraiſons & ſes aûmones étoient montées en memoire devant Dieu, & qu'il envoyat des gens en Joppe vers Simon qui étoit ap­pellé Pierre, logé chés un homme nommé Simon, couroyeur prés de la Mer, qui luy direit ce qu'il luy faudroit faire. Ce meſſager ce­leſte étant diſparu apres avoir fait ſa Charge, Corneille rempli d'étonement, d'admiration, & d'une ſainte joye, pour la Viſion miraculeuſe & celeſte dont il avoit éte honoré, ne manque pas d'obeir aux ordres du Ciel. Il envoya incontinent en Joppe vers S. Pierre, deux de ſes ſerviteurs, & un gendarme, craignant Dieu, apres leur avoir raconte tout ce qui luy etoit arrivé.

Je remarque que la foy de Corneille parut en cette premiere circonſtance. Il ne douta pas que la Viſion qu'il eut, ne vint du Ciel. Il ne luy tomba pas dans la penſee que ce fut une illuſion, ou un preſſage & un artifice du Diable. Il avoit vu des chara­cteres Celeſtes & Divins en ce Meſſager du Dieu vivant, qui luy avoit parlé. Tout l'air de ſa perſonne & le ton de ſa voix, ne reſ­piroit que le Ciel, & ſon imagination etoit trés-remplie de ces idees ſurnaturelles; & d'ailleurs ſentant l'efficace du S. Eſprit, il crut & obeit, perſuade de la réalité, & de l'excellence de la viſion qu'il avoit eu.

Il envoya ſes Serviteurs en Joppe, qui obeiſſant à ſa parole, al­lerent promptement trouver S. Pierre dans le même lieu marqué par l'Ange, prevenu en faveur de leur Maitre par une autre Viſion, & qui partit avec eux pour obeir à la volonte de Dieu, en inſtruiſans Corneille & le recevant dans l'Egliſe.

Je voy dans cette excellente & memorable Hiſtoire, en la per­ſonne & dans la diſpoſition de foy d'obeiſſance & d'humilité de Corneille, les ſentimens & les mouvemens de foy, de reſpect & d'obeſſance doivent être ceux qui veulent avoir part à la grace; veiller, jeûner, & prier, & être pleins d'aûmones & de charité; & je voy en la perſonne de S. Pierre, le Charactere des vrays Paſteurs de8 l'Evangile qui remplie d'ardeur & de zéle, ſans écouter ſes mou­vmes de la chair, doivent ober aux ordres de celuy qui les en­voye, en prêchant la parole, en exhortant, en inſtruiſant les hom­mes pour leur ſalut à la gloire de Dieu & à la deſtruction du peché, ſans s'arrêter par quelque obſtacle qui puiſſe ſe preſenter devant eux, imitant en cella, l'exemple de S. Pierre.

Ce Saint Apótre reçoit un ordre du Ciel d'aller vers ct homme étranger de l'Alliance, pour l'admettre au nombre des Chrêtiens. Cette commiſſion luy paroît d'abord ſurprenante & oppoſee à ſes prejugs, car il avoit été inſtruit dans l'Ecole des Juifs, qui ſe di­ſtinguoient des Payens, & qui n'avoit nul commerce avec eux, lesloignans ſurout de leurs miſteres. Il avoit même ouſon Maître qui avoit déclare hautement, los qu'il converſoit en chair, qu'il etoit venu pour ſauver les brebis poties de la maiſon d'Iſraél; que le ſaluttoit des Juifs & qu'on n'ôtoit pas le pain aux enfans de la lumiere, pour le donner aux petitis chiens, deſignant les Gentils; toutes ces choſes avoient rempli ſa penſee, que ce n'étoit qu'aux Juifs que l'Evangile devoit être annoncée, & il reçoit à cette heure un ordre expres d'aller vers un incirconcis, étranger de l'Alliance, pour luy annonncer l'Evangile de Paix. Son coeur s'oppoſe d'abord a cette parole; Car lors que Dieu voulant le diſpoſer à luy obeir, luy fait voir en viſion un grand linceul lié par les quatre bouts, remplis de toutes ſortes d'animaux nets & inmondes, avec cette voix, tûe & mange; qui luy aprenoit qu'il ne devoit pas regar­der les Gentils, comme indigne d'être receus dans la nouvelle Al­liance; Il répondit, qu'il n'avoit jamair mangé de choſes ſoüillées, voulant ſe diſpnſer par la facillement, d'aller vers un étranger. Mais la vois du Ciel ayant redoublé pour luy faire entendre que ce que Dieu avoit purifié, il ne devoit pas le tenir pour polu; & en même temps les Meſſagers de Corneille ayant paru, & luy ayant dit, comme leur Maître, homme devot & craignant Dieu, quoy que Gentil, avoit été honoré d'une viſion d'un Ange, qui luy avoit ordonné de l'envoyer chercher en ce lieu. Saint Pierre connoiſſant alors par tous ces miraculeux évenemens, que telle étoit la volonté de Dieu, ſe diſpoſa incontinent d'y ober.

Et ainſi, bien loin de renvoyer les Meſſagers qui étoient venus vers luy de la part de Corneille, il s'en alla avec eux, anime par9 ſon zele, & par ſon obeſſance aux ordres du Ciel; & il n'eſt pas plûtót arrive en la maiſon du Centenir, qu'ayant apris par le recit qu'il luy fit de la viſion qu'il avoit eüe, de ne tenir & de ne regarder plus pour polus & pour indignes de l'Alliance de grace, les Gentils qui avoient été éloignés de celle de la Loy, adorant les jugemens de Dieu & les richeſſes immenſes de ſa miſericorde en­vers tous les hommes. Il commença d'inſtruire ſon Proſelite, avec zele, évidence & ſimplicité, luy declarant tout le conſeil de Dieu touchant le ſalut & la Redemption des pauvres pecheurs repentans, par nôtre Seigneur Jeſus Chriſt, le veritable Meſſie promis. Les Oracles & les Propheties Anciennes qu'il r'ameina, remarquans que Dieu n'avoit point d'égard à l'aparence des perſonnes, furent com­me l'exorde de ſon Sermon. La perſonne adorable du Seigneur Jeſus, ſa naiſſance, ſa vie ſainte & toute divine, ſa mort, ſes ſouf­frances, ſa reſurrection & la gloire il fut elevé aprés ſon Aſ­cenſion, en furent les parties, les preuves dont il ſe ſervit pour confirmer ces verites ſalutaires & la divinité du Meſſie, & particu­lierement furent les Miracles éclatans qui accompagnerent & ren­dirent glorieux ſon Miniſtere; & le S. Eſprit luy même qui deſcen­dit incontinent aprés. Et comme S. Pierre parloit encore ſur Cor­neille & ſur tous ceux qui écoutoient ſon diſcours, en fit l'applica­tion miraculeuſe; & l'on peut voir en ſuite les fruits excellens de l'obeſſance, du zele, & des exhortations de S. Pierre, qui pro­duiſirent avec la grace de Dieu, l'inſtruction, la converſion & la repentance de pluſieurs pauvres pecheurs.

C'eſt ainſi que tous ceux qui ſont honorés de la charge de Mini­ſtres du Saint Evangile, doivent s'employer à avancer le Regne du Seigneur Jeſus, & a inſtruire les pauvres pécheurs avec prompti­tude, courage, zele, évidence, & ſimplicite; car Dieu ne ſe laiſſe pas ſans témoignage; & s'il n'envoye plus des Apôtres, des hom­mes inſpirés, il pouſſe toújours des ouvriers en ſa moiſſon; il en­voye des Paſteurs Ordinaires, qui quoy qu'infirmes en eux même, ſont fortifiés par la vertu & par la puiſſance de Dieu, qui les en­richit de dons néceſſaires pour l'avancement & pour le progrés de l'Evangile, aſin qu'ils ſoient comme des flambeaux au monde, & qu'ils éclairent les hommes pecheurs pas la pureté de leur Doctrine, & par la ſainteté de leur vie. Paix & grace ſoit ſur ceux qui ſont10 annonciateurs de la paix & de la grace, & ſur rous ceux pour leſ­quels Chriſt eſt mort. Paix & force d'eſprit ſoit particulierement dans le coeur des Paſteurs de l'Egliſe qui ſont ouvriers avec Dieu, & qui doivent travailler à l'édifice de Dieu, au labourage de Dieu. Ils ſont bien-heureux ces ouvriers du Seigneur, lors qu'ils s'appli­quent à leurs ſacrés emplois avec une prompte obeiſſance, avec zele & fidelité; lors qu'ils ſont des Chandeles ardentes & luiſantes dans l'Eſgliſe, par leur pureté, & par la pureté de leur Doctrine; car s'ils en introduiſent pluſieurs a Juſtice dans l'Egliſe Militante, ils brilleront un jour comme les étoiles du firmament, au milieu de l'Egliſe triomphante, dans le ſejour de la gloire, aprés avoir été approuvée du Seigneur, dans la derniere journée.

Mais que la confuſion ſera grande, jointe à leur condamnation, pour les ouvriers laches, faux ou corrompus, qui manquent à leur devoir, & qui ſont des mauvais diſpenſateurs de la parole, & des pré­varicateurs dans leur charge, qui n'édifient, ni par leur Predication, ni par leur exemple; il vaudroit mieux pour eux, qu'ils n'euſſent jamais été; car ſi cella eſt dit de celuy qui ſcandaliſe un ſeul des plus pe­tits du troupeau du Seigneur, que ſera ce de ceux qui offenſent le grand Paſteur des brebis, & qui ſcandaliſent toute l'Eſgliſe qu'il a rachetée par ſon pretieux ſang, & qu'il tiens plus chere que la prunelle de ſes yeux? De ceux, qui bien loin d'edifier & d'inſtruire, détruiſent & renverſent l'édifice de Dieu, & travaillent à corrompre & à perdre les ames, plûtôt que les ſauver, en propoſant des Do­ctrines fauſſes.

Et ce n'eſt pas encore aſſes que les Paſteurs prenent garde à propo­ſer une bonne & ſainte parole, ils doivent être avec cella remplis de zéle pour la gloire de Dieu, en raportans tous leurs ſoins a l'exal­tation de ſon ſaint Nom, ſans ſonger jamais à une fauſſe gloire, comme eſt celle qu'ils acquirent lors qu'ils ne penſent qu'a attirer l'aprobation des hommes, en cherchant a leur plaire & à chatoüiller leurs oreilles par leurs Predications recherchées, & parées des or­nemens du Siecle. Et combien, ô malheur, y a il de Paſteurs de l'Egliſe qui poſſedent des dons naturels, dont ils font un mauvais uſge, qui ont une memoire excellente, une prononciation agréable, un débit qui plaît, qui recitnt parfaitement ce qu'ils ont écrit ou medité, qui rempliſſent bien leurs fonctions au dehors, mais a qui11 l'eſſentiel manque, à ſavoir un coeur purifié & rempli de zéle, une intention droite, & une ardeur toute ſainte pour la gloire de Dieu, & pour l'avancement en la ſoy des ames qui ſont comiſes à leurs ſoins? Ils ſont remplis d'eux même, & fort ſatisfaits, lors qu'ils croyent d'avoir bien prêch& qu'ils reçoivent des loüanges de quelques uns de leurs anditeurs, n'aimans rien tant que cét en­cens; & qui ſe mettent peu en peine aprés cella de ſçavoir ce que devient la ſemence qu'ils ont ſemée dans le champ du Seigneur, & quels fruits elles apporte en eux même & en leurs Auditeurs. Leurs ſoins pour l'Egliſe s'evanoüiſſent aprés qu'ils ſont décendus de Chaire, & leurs Prieres auſſi, & pour eux mme & pour leur troupeau. Ils ont parû tous de feu dans leur Predication, & comme s'ils avoient perdu toute leur chàleur en prêchant, ils paroiſſent aprés cella froids & languiſſas dans toute leur converſation, dans leurs Prieres & dans leur charge.

Le veritable Miniſtre de l'Evangile, & celuy qui eſt ſans pre­ſomption & ſans vanité, qui Prêche du coeur, au coeur, qui eſt le premier êmu & touché de ce qu'il dit, qui chercheſe ſauver, & à ſauver les autres; qui prie en ſon particulier comme S. Pierre, qui prie en public, & qui eſt rongé du zéle de la maiſon de Dieu, qui enſeigne, ce dont il eſt luy même perſuadé, qui ne ſe flatte pas, ni ceux à qui il parle; qui ſe cenſure & cenſure ſes Auditeurs quand il le faut; qui travaille par toute ſorte de moyens aprés avoir annoncé les Dogmes du ſalut avec pureté & ſimplicité; de faire har le mal & aimer le bien; & qui en un mot, eſt un fidele diſpenſateur des Miſteres de l'Evangile; qui Prêche une ſainte Do­ctrine & une ſainte Morale, qui combat & condamne l'erreur ſans balancer, & qui fait une guerre ouverte & declarée au vice & au péché, ou qu'il le découvre ſans avoir égardl'apparence des perſonnes.

Mais qui eſt ſuffiſant pour ces choſes? Et eſt le Paſteur qui ne doive trembler ſous la peſanteur d'une ſi grande charge,ou il sagit d' tre reſponſable du ſalut des ames, du ſang que Dieu re­demandera de ceux qui n'auront pas bien fait leur devoir? Lors que les Miniſtres de l'Evangile penſent aux ſoins infatigables qu'ils doivent prendre pour planter, pour arroſer, pour arracher, coupr, & retrancher; pour planter l'Evangile, pour l'arroſer par de fre­quenes12 quentes exhortations pour arracher l'hyvroye du champ du Seigneur, pour retrencher de l'Egliſe les vicieux & les ſcandaleux, qui pour­roient infecter tout le corps.

Ceux qui ont le plus de zéle & le plus de force, ſe ſentent foi­bles, & doivent s'humilier devant Dieu qui a mis en eux un grand treſor, comme en des vaiſſaux de terre; cependant ils ne doivent pas perdre courage, ni faire comme Jonas; ils doivent au contraire ſe fortifire en Dieu qui les ſoûtiendra, qui accomplita ſa vertu dans leur infirmité, & leur donnera les dons néceſſaires; car c'eſt luy qui ferme & qui ouvre; il ferme, & nul n'ouvre que luy. Il a les clefs de ſcience & d'intelligence, & il les donnent à ſes ſerviteurs qu'il a choiſis pour parler en ſon nom. Le Prophete ſe reconnoît un homme ſoüillé de lepres, qui à peine peut begayer, lors que Dieu veut l'envoyer a ſon peuple, & Dieu touche ſes levres du charbon vif pris de deſſus ſon autel, & il ouvre ſa bouche afin qu'il annonce ſes loüanges & ſa volonté.

Ce fut ainſi que ce même Dieu, par l'efficace de ſa vertu, inſ­pira à S. Pierre la reſolution d'aller vers Corneille, & étoit avant cella plein de ſcrupule, quand il s'agiſſoit de converſer avec les Gentils; qu'il eſt moins polué & ſouillé & indigne de participer à la lumiere de l'Evangile. Ce fut Dieu qui diſſipa ſes prejugés & qui le determina d'aller trouver le Centenier étranger de l'alliance, non ſeulement par la viſion qu'il eut, mais encore en rafraichiſſant en ſa memoire, le ſouvenir qui étoit éteint, du Commandement que le Seigneur luy avoit fait, & a. ſes compagnons, avant ſon depart, d'aller endoctriner toutes les nations, comme nous le liſons au dernier chap. de S. Matt. & ſur tout par l'efficace toute puiſſante de ſon Saint Eſprit.

Ce grand Dieu eſt le même, hier & aujourd'huy; il tire ſa loüange de la bouche des petits enfants, & il ne manque pas ſur tout, de ſoûtenir, d'éclairer, de fortifier, & de conduire ceux qui parlent en ſon nom, & qui ſont appellés pour être les Diſpenſateurs des mi­ſteres de l'Evangile; & ainſi afin que ces bien-heureux ouvriers puiſſent travailler avec ſuccés dans l'oeuvre du Miniſtere, & avec la force & la capacité néceſſaires, ils doivent avoir toûjours recours à celuy qui les envoye, de qui dépend toute honne donation & tout don parfait, & le prier ſans ceſſe, qu'il vienne à leur aide; imi­tans13 en cela S. Pierre; c'eſt un grand Apôtre. qui a eu l'honneur de converſer avec le Seigneur Jeſus, qui a été choiſi pour être du nombre de ſes Diſciples, à qui il a promis que ce qu'il lieroit ſur la terre, ſeroit lié au Ciel, & que ce qu'il delieroit ſur la terre, ſe­roit delié au Ciel, & qu'il édifiroit ſon Egliſe ſur la Confeſſion qu'il a faite, qu'il étoit le Chriſt le Fils du Dieu vivant. Ce ſaint homme, neanmoins, tout fortifié qu'il eſt, & par l'excellence de ſa charge, & par l'aſſiſtance de ſon cher Maître & par ſes Divines promeſſes, lors qu'il ſe prepare aux fonctions de ſon Apoſtolat & de ſon Miniſtere, qui l'engagent à ces grands travaux, ſent ſa foi bleſſe & le beſoin qu'il a du ſecours de Dieu; c'eſt pour cela qu'il eſt aſſidu à prier pour attirer la benediction, le ſecours & la pro­tection du Ciel.

Il a profité en cela de l'example de ſon cher Maître, qui ſe re­tiroit ſouvent à l'ecart & qui cherchoit des rétraites ſolitaires pour prier; il alloit pour lors ſouvent ſur de hautes Montagnes. C'eſt ainſi que S. Pierre, au moment qu'il eſt appellé pour aller annoncer l'Evangile à Corneille, eſt monté au plus haut de la maiſon pour prier, ou pour s'approcher de plus pres du Ciel, & pour être dans une retraite, éloigné des objets capables de le diſtraire; & peut-il reveiller avec devotion, tous les mouvemens de pieté de ſon coeur, & toutes ſes ſaintes penſees, & les élever à Dieu, & luy demander ſes lumieres & ſa protection?

C'eſt ainſi que les Miniſtres de l'Evangile, doivent être aſſidus à la priere, demander à Dieu ſans ſe laſſer, ſa grace & ſa divine protection, & pour les pauvres pécheurs en géneral, & pour eux mêmes en particulier, afin que le Pere d'éternité, les conduiſe dans leur Miniſtere; qu'il donne efficace à leur parole, ou plûtôt à la ſiene, & qu'il les rendent capables d'endoctriner & d'inſtruire les hommes en ſon nom, en toute débonaireté, pieté & évidence d'eſprit; & de convaincre les contrediſans; & s'ils prenent avec foy & avec perſeverance, celuy qui exauca S. Pierre, & qui le rendit un glo­rieux Inſtrument en ſa main, pour porter l'Evangile en tous lieux, & pour l'annoncer à Corneille & a ſa famille en particulier; le même Dieu les exaucera eux mêmes & les rendra capables de toutes leurs fonctions, à ſa gloire, au bien de ſes eleus & à la décharge de leurs Conſciences.

14

Aprés vous avoir communiqué ces premieres reflexions, ſur le devoir des Paſteurs, au ſujet de l'envoy de S. Pierre à Corneille, vous me permettrés bien s'il vous plaît, Monſieur, de vous preſen­ter celles qui regardent les fideles particuliers, à l'occaſion de Cor­neille & de ſa famille; ſur quoy je trouve que ceux qui liſent cette merveilleuſe Hiſtoire, doivent être portés naturelement, s'ils ſont du commun des fideles à reflechir ſur la conduite, & ſur la diſpo­ſition du juſte & pieux Corneille & de ſa famille.

Il étoit en jeûne & en priere, lors que Dieu luy envoya ſon Ange pour luy faire connoître qu'il dévoit envoyer querir S. Pierre à Joppe, qui l'inſtruiroit de tout ce qu'il avoit à faire. Et l'Ecriture dit d'ailleurs de cét homme bien-heureux, qu'il étoit devot, juſte, & craignant Dieu, & revêtu d'une charité exemplaire. C'eſt avec ces characteres excellens, & dans ces ſacrés exercices, que l'Evan­gile nous depeint la perſonne de ce Centenier; & elle nous fait con­noître en cela, dans quelles diſpoſitions nous devons être nous même, pour être dignes de recevoir la parole, & d'être favoriſés de la grace de Dieu; & ainſi, ſi S. Pierre eſt un modele pour les Paſteurs, Corneille eſt un exemple & un patron pour les Auditeurs, pour tous ceux qui veulent entrer dans le Corps de l'Egliſe. Ils doivent être commé luy, Religieux envers Dieu, l'adorer luy ſeul en Eſprit & verité, le craindre, l'invoquer & le ſervir ſuivant ſa volonté, en pratiquans les devoirs de la premiere table de la Loy; & ils doivent en ſuite être juſtes & miſericordieux envers leurs prochains, ſelon les preceptes de la Seconde, & vacquer en même temps, au jeûne & à la priere, qui ſont des exercices ſi agréables à Dieu, qu'ils obtiennent gratuitement ſon amour, & déſarment ſon courroux. Corneille, étranger de la lumiere, moins inſtruit dans la connoiſſance de la verité, par ſes prieres, par ſes jeûnes & par ſes aûmones, obtint la faveur du Ciel, & l'amour & la protection de l'Eternel. Et ceux de Ninive, jeûnans ſous le ſac & la cendre, & implorans par leurs larmes & par leurs ſoupirs, la divine miſe­ricorde, aprs avoir oui par la bouche de Jonas les dénontiations terribles du Jugement de Dieu, qui les menaçoit, diſſiperent par cette humilité, la tempête effroyable, qui étoit toute prête de tom­ber ſur eux.

Mais je remarque encore, que Corneille ne ſe contentant pas de crainde Dieu, de le ſervir & de s'humilier en ſa preſence, co­muniquoit15 ſon zéle à ſa famille, qu'il inſtruiſ••t dans ces devoirs excellens, & la rendoit par ce moyen, participante de ſon bon­heur. Il portoit encore ſes ſoins ſur ces Soldats. Car S. Luc re­marque, qu'il envoya vers S. Pierre, deux de ſes ſerviteurs, & un gendarme craignant Dieu, de ceux qui ſe tenoient auprés de luy. Ce qui juſtifie l'application qu'il avoit de communiquer à ceux qui luy etoient aſſujeties, ſes ſentimens Religieux.

Ceux qui veulent être contés entre les enfans de Dieu, & être receüs dans ſon Egliſe, doivent en imitant cét excellent homme, craindre l'Eternel, jeûner & prier, faire des aûmones ſuivant leurs facultés, & s'employer avec zele, à l'inſtruction de leurs prochains, & particulierement de leur famille; car ſi ceux qui n'en ont pas ſoin, au regard du temporel, ſont mis par l'Ecriture, au rang des infideles, & au deſſous, que ne doit on pas penſer & dire de ceux qui ne ſe mettent pas en peine de l'entretien ſpirituel de leurs en­fans, & qui n'ont nul ſoin de leur avancement en la foy? Cor­neille s'elevera un jour en condamnation contr'eux, & contre ceux qui ne ſongent, ni a inſtruire ni a édifier leurs prochains; il s'ele­vera en jugement contre nous, qui ayans plus de lumiere & plus de connoiſſance qu'il n'en avoit, ſommes encore plus obligés que luy à tous les devoirs qu'il pratiquoit avec tant de zéle.

Dieu nous a attirés à luy, il nous a fait connoître les ſecrets & les richeſſes de ſon Evangile, il nous a illuminés par ſon Eſprit & par ſa grace, afin que nous le ſervions, & que nous ſoyons juſtes envers nos prochains. Il nous a dêja tirés, afin que nous courions dans le chemin de vie; car ſans luy, nous ne pourions rien faire; c'eſt par ſa grace que nous ſommes ce que nous ſommes; Et puis que nous nous trouvons en un état plus éclairé que Corneille, & en un temps d'une plus grande lumiere que n'étoit les Juifs, que la nuit eſt paſſée, que le jour eſt approché, que le ſalut eſt prés de nous, & que nos avons reçû des preuves éclatantes de l'amour de Dieu, nos entendemens ayans été éclairés d'une nouvelle lumiere, nos coeurs rejouis & conſolés par les ſentimens de ſa grace, & nos bouches ayans été ouvertes par le merveilles de Dieu, nous ſommes obliges, à l'imitation de Corneille, non ſeulement de nous confir­mer dans l'amour, dans la crainte & dans le ſervice de Dieu, mais encore d'exciter nos prochains a le ſervir en toute reverence, & pieté. Et puis que nous ſommes heureſement parvenüe à la16 journće que le Seigneur a faite, nous devons nous réjouir en elle, & inviter nos freres à ce même exercice, & les ſoliciter d'être rem­plis avec nous, d'une ſainte & juſte reconnoiſſance envers le Pere Eternel qui nous a donné ſon Fils unique pour être nôtre Redemp­teur, & nous a rendüs participans des fruits de ſes ſouffrances, en formant en nous la foy, qui nous fait embraſſer ſon merite, & qui nous fait obtenir miſericorde aux pieds du trône de ſa grace. C'eſt luy même encore qui fait que nous pouvons juſtifier nôtre foy par nos oeuvres, puis qu'il nous a crées à bonnes oeuvres, par la re­géneration qui eſt une ſeconde Création, & par conſequent, un ou­vrage de la toute puiſſance de Dieu. Car comme il ni a que luy ſeul qui ait nous creer, il ni a auſſi que luy ſoul qui ait pu nous faire des nouvelles créatures.

J'ajoûte à cela, que comme Corneille & ſa famille furent ſainte­ment diſpoſée à écouter l'Apôtre S. Pierre, à recevoir ces inſtru­ctions pour la Doctrine, & ſes reprehenſions à l'égard du vice & du déreglement, nous devons avoir nous mêmes des diſpoſitions ſemblables; car quoy que nous ayons déja été illuminee par la connoiſſance de la verité, & que nous ſoyons comme autant de tabernacles vivans, que le Soleil de juſtice éclaire de ſes rayons, & qu'ilchauffe par ſa chaleur, nous avons toûjours beſoin de nou­velles inſtructions pour la foy, & de nouvelles reprehenſions pour la corruption & pour les vices qui habitent, & qui regnent quel­quefois en nous, aſin que nous portions enſuite des fruits dignes de repentance, à ſalut.

Et ainſi, ces exhortations & ces cenſures ne ſont pas ſeulement neceſſaires, ou pour ceux qui ſont dans les ténebres de l'ignorance, ou pour ceux qui ſont tombés dans les débris & dans la diſſipation des Egliſes, au milieu deſquelles le chandelier de l'Evangile a été éteint par la violence de la Perſecution. Ces divines leçons de la parole, les enſeignemens ſolides & vehemens au regard de la ſainte doctrine & les cenſures du vice, ſont d'une néceſſité abſolüe, aux lieux l'Evangile eſt prêché, les Egliſes joüiſſent d'un repos conſtant, & d'une liberté entiere, & les aſſemblees ſolen­nelles ſe font frequemment & en des jours marqués. Ces Egliſes tranquilles & heureuſes, qui ſont comme une benite Coſcen, & un champ ſacré du Seigneur, la parole eſt ſemée par les ouvriers de l'Evangile, ont beſoin d'être arroſees par une ſainte doctrine. 17Et comme il naît dans ce champ miſtique des ronces, des épines & de mauvaiſes herbes, qui ſont les erreurs & les vices, il faut que ces vices & ces erreurs en ſoient arrachés par de vives cenſures, & par des raiſonemens ſolides & véhemens, fondés ſur la ſainte parole de Dieu, qui ſoient puiſſans à la deſtruction des fortereſſes.

C'eſt ce que je reconnois & que vous ſçavés mieux que moy, Monſieur, être d'une néceſſité fort grande en nos jours. On ne vit jamais, depuis nôtre Sainte Reformation, un plus grand re­lachement dans la plûpart de ceux qui compoſent nos Egliſes, ſoit à l'égard de la doctrine, ſoit à l'égard des moeurs; on ni trouve que peu de Corneilles, peu de familles comme la ſiene, & peu de Paſteurs qui imitent le zéle de S. Pierre. Dans les Siecles precedens on n'avoit pas naître tant d'er­reurs comme on voit aujourd'huy au milieu même de ceux qui ſe diſent Reformés; dont il y en a qui ſont ſimplement dangereuſes; d'autres qui ſont impies, blaſphematoires, & fu­neſtes; des hommes élevés dans le ſein l'Egliſe, diſtingués même par leur charactere, travaillent à déchirer les entrailles de leur Mere, & à détruire la paix de Jeruſalem. Ils ne ſe contentent pas de nourrir dans leur Eſprit, des ſentimens dangereux & contraires à la ſainte doctrine de l'Evangile, injurieux à Dieu, à ſon Fils Eternel, nôtre Redempteur, qui détruiſent le fondement du ſalut; ils tachent, en tordant l'Ecriture par l'artifice & la ſubtilité de leur eſprit, de les faire couler dans le coeur & dans l'eſprit de quelques malheureux, pleins de foibleſſe, ou amateurs de la nouveauté; & aprés avoir nourri ces ſerpens dans leur ſein, ils les lachent, afin qu'ils infectent & qu'ils empor­tent les ames. Outre pluſieurs erreurs, & des hereſies dam­nables, qui ne paroiſſent que trop dans l'Egliſe, les vices ni ont jamais regné avec plus de licence & déffronterie. La mondanité & le luxe paroiſſent en nos jours parmi ceux même qui ſe vantent de la plus grande Reformation. Le beauté de la fille de Sion, n'eſt plus au dedans; les filles d'Iſraël ne ſont plus dans une ſainte humilité, & dans une retraite pieuſe. On ne voit parmi elles, que les en­ſeignes du monde, le faſte & l'oſtentation. Les enfans de la Je­ruſalem franche, ne ſe diſtinguent plus des habitans de Babilone;18 & les vices les plus odieux vont la tête levée & ne ſe cachent plus.

Et ainſi tous ceux qui voudront parler avec ſincerité, m'avoü­ront que nous avous degeneré de la pureté & de la ſimplicité de nos peres; des ténebres d'erreur & de corruption, cachent mainte­nant la bauté de l'Epouſe de Chriſt. La lumiere de ſes chéres Egliſes paroît éclipſee depuis aſſes long-temps, elles ſont décheües de leur premiere charité, & de leur premiere vertu; & aprs cela, nous ne devons pas trouver étrange ſi Dieu a ôté ſon chandelier du milieu de pluſieurs de ces Egliſes qui étoient autrefois la joye des Anges & la terreur de Babilone, & il menace les autres de ſes jugemens.

Pour prévenir les malheurs qui menacent les troupeaux qui ſubſiſtent encore en paix, & pour pouvoir eſperer quelque retour de grace en faveur de ceux qui ſont épars, vous avoüré ſans doute avec moy, Monſieur, qu'il eſt de nôtre devoir de veiller, de prier & de jeûner avec S. Pierre, avec Corneille, ſa famille, & ſes amis, pour tacher d'arrêter le torrent de la corruption & de l'erreur. C'eſt par ce ſeul moyen que nous pouvons arrêter les jugemens de Dieu qui s'avancent. C'eſt un devoir général d'élever les Chrêtiens Reformés; mais c'eſt une obligation en particulier de Paſteurs qui doivent ſe diſtinguer du reſte des hommes, autant par le zéle, pour le ſalut des ames & pour la gloire de Dieu, comme ils le ſont par leur Miniſtere. Il ne leur eſt pas permis de demeurer dans l'oiſiveté & dans le ſilence, comme des chiens müets; ils doivent veiller & prier, ne s'épargner pas, élever leur voix comme un Cornet, inſiſter en temps & hors temps, inſtruire, redargüer & convaincre les contrediſans en toute débo­naireté d'eſprit, & pureté de Doctrine, travailler à fermer la bouche aux novateurs & aux émiſſaires de Satan & de l'Antechriſt, & faire tous leurs éfforts pour arrêter le vice, pour couvrir les ſcan­daleux & les détourner d'une ſalutaire confuſion. Ils doivent tra­vailler ſans ſe laſſer jamais à faire fleurir de nouveau au milieu de l'Egliſe du Seigneur, non ſeulement la pureté de la Doctrine qui nous à été enſeignée par nôtre bon Sauveur & par ſes Apôtres, mais encore la ſainteté des moeurs qui faiſoit autrefois un ſi bel ornémens de la doctrine. C'eſt a ces deux devoirs que Dieu les appelle. Dieu parle par ſes jugemens & par ſes Oracles dans19 ſes Ecritures, & ils doivent ſelon cét Ecriture, parler hautement, tonner & fulminer contre ces malheureux qui veulent intro­duire des Sectes de perdition, & contre le vice qui dſhonore nôtre ſainte Religion & qui fait que nous violons nôtre foy dans la promeſſe que nous avons faite à Dieu, lors que nous avons été reçeus dans l'Egliſe par le Baptême. Dieu veuille faire la grace aux Paſteurs de cette Egliſe ſainte, aux Miniſtres du Seigneur Jeſus Chriſt, de répondre à leurs engagemens & à leur devoir, en veillant avec application pour la ſeureté, pour la bonne conduite & pour le ſalut de Jeruſalem, comme des guettes fideles. Dieu veuille les rendie tous des dignes imitateurs des Apôtres, & particulierement du zéle & de la ferveur de S. Pierre, de ſon humilité & de ſon aſſiduité à prier. Dieu veuille auſſi faire paroître en nos jours, pluſiurs Corneilles, juſtes, devots, religieux, & fidis à l'Eternel; aſſidus à jeúner & à prier, & pleins d'aúmônes & de bonnes oeuvres, comme il étoit, & faire en ſorte que chaque famille parmi nous, devienne, comme étoit la ſiene, une maiſon d'Oraiſon, un Sanctuaire conſacré, & une petite Egliſe la parole de Dieu ſoit leüe conſtamment, & écouté avec foy & reverence, parmi le chant des Pſeaumes du Roy Prophete, à la grande gloire de Dieu, pour l'édification pu­blique, & à nôtre ſalut.

Ce ſont les reflexions que je vous preſente, Monſieur, elles ne peuvent être que fort commures, & peu recherchées, venant de moy; mais il me ſuffit qu'elles ayent l'aprobation de quel­ques bonnes ames, & la vôtre en particulier, & qu'elles puiſſent être d'edification à quelques-uns des mes freres; & paimi leſ­quels je regarde evec une affection ſinguliere, ceux qui ſont commis à vos ſoins depuis ſi long-temps, & que vous vous preparces d'aller rejoindre. Ils ont eu le bonheur d'avoir été toûjours enſeignés de Dieu, ces chers & pauvres Vaudois, que vous portées dans vôtre coeur, d'avoir reçú la parole en tout temps, Prêchés avec une pureté & avec une ſimplicité Apoſto­lique. Il y a eu toújours parmi ce peuple, un nombre de fideles qui ont été devots, craignans Dieu, & revêtus d'une charité Chrêtienne; ce qui a attiré l'amour & la protection divine, ſur leurs Egliſes. Il y a eu pluſieurs Corneille parmi ce peuple, & des vrais imitateurs de S. Pierre, parmi les Pa­ſteurs. 20Vous étes, Monſieur, un de ceux qui ont cheminé le plus droitement & le plus courageuſement, ſur les traces de cét excellent Apôtre. Vous paroiſſes, & vous avés toûjours paru apres luy, revêtu de la fermeté & de la conſtance d'un Ce­phas, n'ayant jamais moli, n'ayant jamais perdu courage ſous quelques travaux & dans quelques épreuves que vous ayés été expoſe. Vous me permettrés bien encore de vous dire, quoy je ſois tout perſuadé, que vous étes éloigné par vôtre modeſtie, & par vôtre humilité, de tout deſir le loüanges, que je ſuis aſſeuré, que vous ne les recherchés pas, mais l'approbation de Dieu & de vôtre Conſcience, que vous regardés, comme je ſais avec admiration. Ce ſeroit un aveuglement & une injuſtice, de ne pas voir ce que voue étes, ce que vous avés fait; & de ne pas loüer vos actions, les raportans toutes à la gloire de Dieu.

Vous étes par ſa grace, un inſtrument dont il ſe ſert, & dont il s'eſt ſervi depuis long-temps, pour l'edification, & pour le ſalut de pluſieurs de ſes enfans. Vous avés été comme un pere temporel & ſpirituel d'une grande & chere famille que Dieu a commiſe à vos ſoins, & pour garder le Troupeau du Seigneur, qu'il vous a mis en main. Vous avés ſouffert ſouffert comme Jacob, le hale du jour, & la froideur de la nuit. Je puis dire encore, que vous avés rempli vous ſeul, en ces dernieres années, le perſonage de Moïſe, & celuy de Joſué tout enſemble, dans la conduite, dans la deffence & dans l'inſtruction de vôtre cher trou­peau; comme un ſecond Joſue, vous avés marché le premier pour defendre vôtre peuple, le vrai peuple de Dieu, & pour com­batre les incirconcis, qui l'ont ſi ſouvent attaqué à leur confuſion & à leur perte, par vótre courage & vôtre bonne conduite. Des troupes formidables de loups affamés & devorans ſe ſont ſouvent jettées ſur vôtre pauvre troupeau, & vous l'avés ſauvé & délivré de leur geule bruante; & ſi vous avés paru comme un Joſué pour combattre en faveur de l'Iſrael de Dieu, & comme un autre Da­vid terraſſant les Lions & les Ours auſſi bien que les Loups qui venois attaquer vôtre troupeau, vous vous étes ſur tout montré pour ſa conſervation & pour ſon inſtruction, comme un ſecond Moiſe, l'inſtruiſant par la Loy de Dieu, & combattant pour luy par vos prieres ardentes. Ce ſont des verités connües par les21 actions d'éclat que vous avés faites, & qui ne peuvent pas êtres ignorées de ceux qui ſont tant ſoit peu inſtruits des intereſts de nos Egliſes, en nos jours.

Mais ce qui eſt aujourd'huy connu & admiré en vous, par ceux qui vous connoiſſent & qui ont la conſolation de vous enten­dre ſur la Chaire de verité, c'eſt le zéle & la pureté avec laquelle vous Prêchés la parole de Dieu. Vous preſentés à vos Auditeurs, la pure Manne Celeſte, & non pas des alimens compoſes, & des liqueurs mixtionées; & ſans rechercher des paroles atrayantes de la ſapience humaine que l'Ecriture condamne dans les diſcours de piété, vos inſtructions ſont ſolides & conſolantes; c'eſt de quoy je ſuis d'autant mieux perſuadé, que j'ay eu le bonheur & le plaiſir de vous entendre annoncer la parole, comme un vray en­fant de tonerre, étonnant l'erreur, abattant le vice, combattant le luxe & la mondanité & enſeignant la pure & ſainte doctrine de l'Evangile, avec un zéle, une évidence & une force Apoſtelique. Dieu veuille vous fortifier & vous conſerver long-temps pour ſa gloire, pour l'edification de ſon Egliſe, & en particulier pour la conſolation & pour la joye ſpiritüelle & ſainte, du cher peuple qui eſt commis à vôtre conduite, & pour lequel vous vous ex­poſés tous les jours à tant de fatigues.

Avant de finir cét écrit, quoy qu'il ſoit dêja aſſés étendu, je ne ſçaurois m'empêcher, Monſieur, de vous conjurer de joindre vos ſaintes prieres à mes ſoupirs & à mes ſupplications devant Dieu, afin qu'il luy plaiſe d'avoir pitié de ſa pauvre Egliſe; & de vous ſupplier encore d'exhorter de plus en plus dans les occaſions, les bonnes ames, à ſe mettre à la brêche, par leur devotion, leur jeûnes & leurs prieres, pour arrêter le courroux du Ciel, que nos péchés ont juſtement allumé.

Nous ne ſommes pas aſſes touchés de la froiſſeure de Joſeph; nos exercices de piete ſont froids, les prieres publiques languiſ­ſantes, les devotions particulieres ſont rares. Puis donc que Dieu me met au coeur, de m'exciter moy même & d'exciter mes freres a nous humilier devant luy, aidés moy dans cette penſee & dans ce deſir; & je ne doute pas que pluſieurs bonnes ames n'eutrent dans nôtre deſſein & dans nos ſentimens.

22

Travaillons, je vous en conjure, à introduire parmi le peu­ple de Dieu, une ſainte coûtume de ſe trouver quelquefois enſemble en abregé, & en petit nombre, pour prier l'Eternel, & pour avoir des conferences religieuſes. Que ces petites Societés ſeront agréables à Dieu, & d'un bon uſage, ſi elles pouvoient ſe lier & s'entretenir ſaintement, ſans oſtentation, & ſans aucune affectation qui ſentit la vanité de la chair, & le deſir de ſe diſtinguer par ce principe. Que ce ſeroit une choſe conſolante, ſi un commerce de cette nature, pouvoit ſe mettre à la place de ces aſſemblés d'amis, & devoiſins de ces vi­ſites, d'une ceremonie civile, ſouvent inutiles, & il ne ſe parle ordinairement que des intereſts du monde, & des nou­velles particulleres ou publiques; & les entretiens ont ſou­vent pour ſujet, la mondanité, la vanité, ou la médiſance, peu dignes par conſequent de ceux qui portent le nom de Chrêtiens Reformés.

Je le dis encore, Monſieur, que ſi Dieu vouloit nous faire la grace de voir, les aſſemblées publiques plus frequentées & avec devotion & humilité, que les Temples fuſſent par une pratique humiliée, ſainte & religieuſe, de veritables maiſons d'Oraiſon & de jeûne; & qu'outre ces Aſſemblées, quelques particuliers fideles vouluſſent ſe trouver emſemble de temps en temps, pour prier & pour s'humilier devant Dieu, nous verrions renaître le temps heureux du premier Chriſtianiſme, les enfans de l'Eternel n'étans qu'un coeur & qu'une ame, s'aſſembloient frequemment pour s'exciter à craindre, à ſervir, & à prier le Dieu de grace & de verité.

Il ne faut pas négliger les Mutüeles aſſemblées; mais comme on doit faire en particulier en ſa famille des exercices de devo­tion & de pieté, on pourroit ſe trouver auſſi quelques fois en­ſemble un petit nombre de fideles, pour vacquer à la priere & à la meditation; dans cette penſée & dans cette certitude que la deux ou trois ſe trouvent aſſemblés au Nom de Dieu pour l'invoquer & pour s'humilier devant luy, le Dieu vivant ſe trouve au milieu d'eux.

23

Selon cette pratique ſainte, nous imiterions les ſaints. Apôtres & les Diſciples du Seigneur. Saint Luc nous apprend qu'ils s'aſſem­bloient ſouvent pour prier; ils étoient dans cét exercice Religieux, lors que le Saint Eſprit deſcendit ſur eux le jour de la Pentecôte. Ils étoient encore en priere dans la maiſon de Marie, lors que S. Pierre, aprés, avoit été délivré miraculeuſement de la priſon Herode l'avoit mis, heurta à la porte du lieu ils étoient en priere, & qu'il les remplit d'admiration & de joye quand il leur raconta ce que Dieu avoit fait pour ſa delivrance. Ceux qui étoient les mieux inſtruits dans les miſteres du ſalut, ſe trouvoient enſemble pour prier, & Corneille moins éclairé qu'il n'étoint, l'étoit pourtant aſſés pour ſçavoir que la priere étoit un exercice trés-agréable à Dieu, & ſalutaire à l'homme & le pratiquoit ſeul & avec ſa famille & ſes amis; & il ne pria pas en vain, & ſes aûmones ne demearerent pas auſſi ſans fruit. Dieu le regarda en ſon amour, & le reçût dans ſon alliance & dans ſon Egliſe. C'eſt ainſi que ce grand Dieu uſera de gratuité & de miſericorde envers ceux qui s'humilieront profondement devant luy, & qui ſe­ront pieux & Charitables.

Excités, je vous en ſupplie, de plus en plus vos chers Auditeurs, à ces devoirs, & à ces ſacrés exercices. Preſentés leur cette Lettre de ma part, variée par des reflexions, qui quoy qu'elles ne ſoient pas toújours regulieres, & qu'elles paroiſſent quelquefois ſans beaucoup de liaiſon, tendent pourtant à la gloire de Dieu, & à l'avancement en pieté des fideles. Je ſuis tout perſuade que ces bons & francs Chrêtiens liront avec conſolation & édification, ce petit écrit, & qu'ils en feront un bon uſage ſuivant la droiture & la ſimplicitde leur coeur. Je fais des voeux particuliers pour eux, pour leur conſervation, pour leur repos, pour leur accroiſſe­ment en nombre; mais ſur tout en zéle & en piété; & afin qu'ils ſuivent toûjours l'exemple de leurs peres fideles, qui ont perſe­veré ſi conſtamment à cheminer & à courir dans la carriere du ſalut, & qui ont tant ſouffert pour la cauſe de l'Evangile.

Et je fais ſur tout des voeux trés-ardents & trés-ſinceres pour vous, Monſieur, afin que Dieu vous fortifie de plus en plus, qu'il vous conſerve, qu'il beniſſe vos travaux, vôtre perſonne, tout vôtre troupeau & vôtre chere-famille. Je vous demande le ſecours de vos prieres pour moy qui me ſens ſi peu avancé en connoiſſance,24 que j'ay toujours heſoin qu'il plaiſe á Dieu de me conduire par ſa main, & de me donner ſon Saint Eſprit pour continüer à tra­vailler a le connoître de mieux en mieux & à le ſervir & pour conrinüer & finir ma courſe à ſa gloire, à l'édification de mes freres, & à mon ſalut. Je vous demande, enfin, & vos prieres & vôtre ſainte bénediction, pour moy & pour ma chere-famille, & qu'il vous plaiſe de m'entretenir toújours dans vôtre ſouvenir & dans vôtre pretieuſe amité. C'eſt de quoy je vous conjure, avec la même affection, que je ſuis, & avec beaucoup de reſpect,

MONSIEUR,
Vitre trés humble & trés-obeiſſant Serviteur, JEAN DELME '.
25

REPONSE A LA SUSDITE LETTRE.

Menſieur & trés-cher frere en nôtre Seigneur Jeſus Chriſt.

J'AY avec bien du plaiſir & avec conſolation, la pieuſe Lettre que vous mavés fait l'honneur de m'adreſſer, ou vous me donnés des marques trés-obligeantes de vôtre affection & de vôtre eſtime, que je voudrois bien meriter. Vous me demandés un recit Hiſtorique, de l'origine de mes freres Vaudois, de la pureté de leur Religion en tout temps, des diverſes conditions ils ſe ſont trouvés, & ſur tour un detail de leurs ſouffrances en tous ages, & particulierement en nos jours, pour la cauſe de l'Evan­gile. Dans l'état errant & diſſipé je me trouve en ce pas, & dans mes voyages, vous jugés bien, Monſieur, & trés-cher frere, qu'il me ſeroit malaiſé de répondre á ce que vous deſirés de moy, & de vous ſatisfaire; mais ſi Dieu me fait la grace de jour de quelque répos & de quelque loiſir, aprs que j'auray receuilli mon troupeau & rejoint mes freres, je feray pour lors, ce qui dépendra de moy pour répondre à vótre deſir, autant qu'il me ſera poſſible. Vous me promettés en ſuite, dans vôtre Lettre, de me faire voir, ſi je le ſouhaitte, un detail de l'état de l'Egliſe de Dieu en ce Royaume, & celuy des pauvres Refugis François en particulier. Je verray toûjours avec plaiſir ce qui viendra de ­tre part. Aprés cela, vous voulés bien me communiquer dans vótre cerit, pluſieurs reflexions fort étendes que vons aves faites au ſujet de l'Hiſtoire de Corneille & de S. Pierre; d'où vous tirés des inſtructions Chrétiennes & ſalutaires pour les Paſteurs & pour les troupeaux qui ſont commis a leurs ſoins. Je les ay leue 26 avec application & avec beaucoup d'édification, ſur tout venas de vôtre main; & je benis Dieu de toutes les puiſſances de mon ame, de voir qu'il ne ſe laiſſe pas ſans témoinage en nos jours, quoy qu'ils ſoient fort corrompus, & de ce qu'il vous favoriſe, & pluſieurs vrais fideles, des lumieres de ſon Saint Eſprit; de ce qu'il vous enflame de devotion & de zele pour ſa gloire, & d'une vraye charité envers vos prochains. J'en ay trouve beaucoup en ce pais de ce charactere, j'ay éprouvé, avec tous mes freres, les effets d'une vraye liaiſon d'eſprit entre les fideles, & ceux de la Beneficence Chrêtienne, depuis le Tróne, juſques à l'état, le plus bas ſelon le monde. Je vous ay trouvé en-particulier plein de zéle & de cordialité pour nos intereſts, & tout rempli envers moy d'une affection Chrêtienne & toute bien faiſante, dont je vous ſeray toújours trés-obligé; & vous m'avés paru dans les entretiens que j'ay eu l'honneur d'avoir avec vous, animé du mme zle quon peur aiſement remarquer dans la pieuſe Lettre que vous m'a­dreſſes, qui eſt toute pleine de bonnes & de ſalutaires remarques. J'euſſe ſeulement ſouhaitté que vous euſſiés voulu paſſer plus l­gerement ſur ce qui me regarde perſonnelement. Vous ſaves que je ne recherche pas les loüanges des hommes, mais l'aprobation de mon Dieu, & le témoignage de ma Conſcience. Je vous l'ay ſouvent declaré, & je le dis toûjours hautement dans l'occaſion. Aprs cela je veux bien que vous ſçachiés que je reoi tout ce qui me vient de vous, comme partant de l'amité dont je ſçay que vous m'honnors. Je vous prie de la conſerver, & d'être perſuadé, que j'y repondray toûjours comme je le dois, par une affection ſincere & Chrêtienne. Enfin, Monſieur, & trés-cher frere, reflechiſſant ſure gros de vôtre Lettre, ſur vos remarques & ſur les ſolicitations que vous adreſſes à tous les vrais Chrêtiens de tout caractere, pour les exciter à la piéte, à la devotion & à la priere. Je loüe Dieu de ce qu'il vous a mis au coeur des penſees ſi remplis de zéle, & qui partent d'un ſi bon Principe, pour animer les Paſteurs & les troupeaux à leur devoir; & de ce que, comme Corneille quittoit ou ſuſpendoit ſes occupations militaires, pour vaquer au ſervice de Dieu, vous interrompés avec joye, les applications on vôtre profeſſion, ſelon le monde vous engage, pour mediter la pa­role de Dieu & ponr ſoliciter vos freres aux exercices de la vrayeieré. Vôtre exemple doit donner de la confuſion à tous ceux27 qui ne penſent pas comme ils le doivent au ſervice de Dieu à leur ſalut, & à celuy de leurs freres, & dans le Parvis, & dans le Sanctuaire, & doit remplir tous les vray Chrêtiens d'une ſainte émulation qui les pouſſe à vous imiter, & d'une pieté pure, qui les diſpoſe a répondre à vos charitables intentions. Je feray moy même mon profit des bonnes remarques que vous m'adreſſes, & je ne manqueray pas de les preſenter à mes freres, ſelon vôtre deſir, qui en tireront comme, je l'eſpere, de bons uſages. Vous me demandés mon amiti; elle vous eſt tout acquiſe. Vous ſou­haités que j'implore ſur vous, ſur vôtre famille, & juſques ſur vos chers petits enfans, la bénédiction de Dieu; c'eſt ce que je fais de tout mon coeur, & que je feray en quelque lieu ou je me trou­ve. Je vous demande auſſi de mon côté, le ſecours de vos bonnes prieres, pour moy, pour les miens, & pour mes pauvres freres, & que vous & moy uniſſions nos voevx & nos ſupplications devant Dieu pour luy demander inſtamment qu'il ait pitié de ſon Egliſe; qu'il la conſole, qu'il la ſanctifie, qu'il l'affranchiſſe du vice & de l'erreur, & qu'il la delivre de tant d'ennemis qui la pourſuivent, & de tant de maux & de tant de ſouffrances ou elle ſe trouve à preſent expoſe au milieu d'une Perſecution longue & preſque generale. Dieu veuille jetter ſur l'Epouſe de ſon cher Fils, des regards de grace & de paix. Dieu veuille nous exaucer lors que nous prions pour la paix de ſa Jeruſalem, & nous faire voir ſa paix; Et Dieu veuille vous conſerver en particulier pour ſa gloire. Entretens moy, je vous en coujure, dans l'honneur de vôtre trés-chere amitie; & ſoyés perſuadé que je me ſouviendray de vous en tous lieux avec affction & reconnoiſſance, & que je ſeray tonte ma vie,

Monſieur & trés-cher frere en nôtre S. J. C.
Vètre trés-humble & trés cheiſſant Serviteur & frere au Seigneur, HENRY ARNAUD, Paſteur Vandois & Dpure
FIN.

Corrigés ces Fautes.

PAg. 4. Lin. 2. beni leg. benis, p. 5. l. 5. ples l. ple, l. 27. trouvie leg. trouviés. p. 6. l. 9. leg. les debris, l. 22. lées leg. lés, l. 26. compagne leg. compagnie. p. 7. l. 20. preſtage leg. preſtige, l. 23. tres teute. p. 9. l. 2. apris leg. appris. l. 36. pas leg. par. p. 10. l. 12. approuvéc leg. approuvés, l. 21. tiens leg. tient. p. 11. l. 10. de leg. du, l. 16. & leg. eſt. p. 12. l. 8. fortifir leg. fortifier, l. 11. donnent leg. donne, l. 13. lepres leg. levres & leg. il, l. 20. eſtimoins le eſti­moit, ib. polu leg. polus, ib. ſaille leg. ſailles, ib. indigne leg. indignes, l. 36. depend leg. deſcend. p, 13. l. 19. ou rayés le, l. 20. & leg. il l. 29. rendent leg. rende, l. 22. prenent leg. prient. p. 15. l. 3. ces leg. ſes, l. 7. aſſujetties leg. aſſujettis, l. 38. prevenue leg. pervenus p. 16 l. 15. diſpoſé leg. diſpoſés, l. 15. ces leg. ſes, l. 18. illuminé leg. illuminés, l. 36. Coſcen leg. Goſcen. p. 17 l. 18. emportent leg. empoiſonent. p. 18. l. 6. bauté leg. beauté, l. 11. il leg. s'il, l. 15. avoùres leg. avorées, l. 20. d'élever leg. de tous, l. 31. & les d'étour­ner rayés, l. 36. ornemens leg. ornement. p. 19. l. 20. ecouté leg. ecotuée, l. 27. & rayés le, l. 17. evec. leg. avec, l. 29. preparées leg. preparés, l. 31. portees leg. portés. p. 20. l. 7. quoy adjutes que, l. 9. ſuis leg. ſois, l. 11. regardent leg. regardés, l. 35. venois leg. venoit.

About this transcription

TextLettre a Monsieur Henry Arnaud F.M.D.S.E. et pasteur Vaudois, etant à present à Londres, avec sa reponse à l'autheur de ladite lettre
AuthorDelme, Jean..
Extent Approx. 70 KB of XML-encoded text transcribed from 15 1-bit group-IV TIFF page images.
Edition1699
SeriesEarly English books online text creation partnership.
Additional notes

(EEBO-TCP ; phase 2, no. A82327)

Transcribed from: (Early English Books Online ; image set 135156)

Images scanned from microfilm: (Early English books, 1641-1700 ; 2427:10)

About the source text

Bibliographic informationLettre a Monsieur Henry Arnaud F.M.D.S.E. et pasteur Vaudois, etant à present à Londres, avec sa reponse à l'autheur de ladite lettre Delme, Jean., Arnaud, Henri, 1641-1721.. 27, [1] p. par Jean Brudenell en Jewinstreet, pour F. Vaillant, Marchand libraire, demeurant dans le Strand, vis-à-vis l'Eglise Francoise de la Savoye,Londres :1699.. (The first letter is signed: Jean Delme'.) (Reproduction of original in the Bodleian Library.)
Languagefre
Classification
  • Huguenots -- England -- Early works to 1800.
  • Waldenses -- Early works to 1800.
  • France -- History -- Louis XIV, 1643-1715 -- Early works to 1800.

Editorial statement

About the encoding

Created by converting TCP files to TEI P5 using tcp2tei.xsl, TEI @ Oxford.

Editorial principles

EEBO-TCP is a partnership between the Universities of Michigan and Oxford and the publisher ProQuest to create accurately transcribed and encoded texts based on the image sets published by ProQuest via their Early English Books Online (EEBO) database (http://eebo.chadwyck.com). The general aim of EEBO-TCP is to encode one copy (usually the first edition) of every monographic English-language title published between 1473 and 1700 available in EEBO.

EEBO-TCP aimed to produce large quantities of textual data within the usual project restraints of time and funding, and therefore chose to create diplomatic transcriptions (as opposed to critical editions) with light-touch, mainly structural encoding based on the Text Encoding Initiative (http://www.tei-c.org).

The EEBO-TCP project was divided into two phases. The 25,363 texts created during Phase 1 of the project have been released into the public domain as of 1 January 2015. Anyone can now take and use these texts for their own purposes, but we respectfully request that due credit and attribution is given to their original source.

Users should be aware of the process of creating the TCP texts, and therefore of any assumptions that can be made about the data.

Text selection was based on the New Cambridge Bibliography of English Literature (NCBEL). If an author (or for an anonymous work, the title) appears in NCBEL, then their works are eligible for inclusion. Selection was intended to range over a wide variety of subject areas, to reflect the true nature of the print record of the period. In general, first editions of a works in English were prioritized, although there are a number of works in other languages, notably Latin and Welsh, included and sometimes a second or later edition of a work was chosen if there was a compelling reason to do so.

Image sets were sent to external keying companies for transcription and basic encoding. Quality assurance was then carried out by editorial teams in Oxford and Michigan. 5% (or 5 pages, whichever is the greater) of each text was proofread for accuracy and those which did not meet QA standards were returned to the keyers to be redone. After proofreading, the encoding was enhanced and/or corrected and characters marked as illegible were corrected where possible up to a limit of 100 instances per text. Any remaining illegibles were encoded as <gap>s. Understanding these processes should make clear that, while the overall quality of TCP data is very good, some errors will remain and some readable characters will be marked as illegible. Users should bear in mind that in all likelihood such instances will never have been looked at by a TCP editor.

The texts were encoded and linked to page images in accordance with level 4 of the TEI in Libraries guidelines.

Copies of the texts have been issued variously as SGML (TCP schema; ASCII text with mnemonic sdata character entities); displayable XML (TCP schema; characters represented either as UTF-8 Unicode or text strings within braces); or lossless XML (TEI P5, characters represented either as UTF-8 Unicode or TEI g elements).

Keying and markup guidelines are available at the Text Creation Partnership web site.

Publication information

Publisher
  • Text Creation Partnership,
ImprintAnn Arbor, MI ; Oxford (UK) : 2014-11 (EEBO-TCP Phase 2).
Identifiers
  • DLPS A82327
  • STC Wing D943B
  • STC ESTC R231063
  • EEBO-CITATION 99896652
  • PROQUEST 99896652
  • VID 135156
Availability

This keyboarded and encoded edition of the work described above is co-owned by the institutions providing financial support to the Early English Books Online Text Creation Partnership. Searching, reading, printing, or downloading EEBO-TCP texts is reserved for the authorized users of these project partner institutions. Permission must be granted for subsequent distribution, in print or electronically, of this EEBO-TCP Phase II text, in whole or in part.